Un Barbier de Séville pétillant au TCE
© Vincent Pontet
Au beau milieu des notes de musique, sur des portées aériennes qui courent sur des feuilles de musique géantes, c’est ainsi que le metteur en scène Laurent Pelly imagine les personnages emblématiques de l’opéra de Rossini. Sous la baguette de Jérémie Rhorer avec le Cercle de l’Harmonie, le plaisir est total avec des chanteurs confirmés ou de jeunes talents dans une double distribution.

© Vincent Pontet
Des chanteurs hauts en couleurs
Quel bonheur que celui d’admirer la fraîcheur de jeune chanteurs talentueux capables d’une souplesse de jeu identique à celle des comédiens ! Florian Sempey qui interprète Figaro, possède l’abattage des mauvais garçons qui roulent des mécaniques tendrement, tatouages pleins les bras, et qui roucoule des vocalises à se faire pâmer toutes les dames. Technique affûtée, projection puissante et assurée, le jeune baryton français remplit toutes les cases par sa prestation vivante et généreuse. Il faut dire que Laurent Pelly, qui alterne le théâtre et l’opéra à une allure vertigineuse, dirige les chanteurs avec un sens précis de la mise en scène et du burlesque, réglé comme du papier à musique.

© Vincent Pontet
Une brochette de talents affirmés
Dans des costumes en noirs et blanc, d’une simplicité géométrique en réponse à un décor en suspension, floraison de feuilles volantes dans l’espace, Michele Angelini prête la douceur et l’agilité de sa voix de ténor au personnage du Comte Almaviva, silhouette élancée de beau garçon discret face au vieux Bartolo qui emmure sa pupille Rosine, incarné par l’imposant et formidable Peter Kálmán dont le vibrato de baryton-basse et les mimiques de film muet font sensation. Robert Gleadow est impayable dans le personnage odieux de l’hypocrite Basilio, ridicule dans ses grimaces de grenouille de bénitier, et Annunziata Vestri, tempérament de feu dans le corps revêche d’une Berta moqueuse et aigrie, est atomique. Formidable de fraîcheur et de malice, d’élasticité et de gaité, la Rosine de Catherine Trottmann, malgré une projection un peu juste, pare le personnage d’un charme piquant évident.

© Vincent Pontet
Entre les feuilles de musique
La musique, rien que la musique. Le choix de Laurent Pelly aura été d’épouser au plus près des notes le livret de Cesare Sterbini avec ses personnages archétypaux de l’opéra-bouffe. Dans ce décor dépouillé, poétique, uniquement constitué de feuilles de musique aux portées infinies, noires sur blanc, les personnages vêtus de noir semblent les acrobates lunaires de situations qui se rejouent depuis la nuit des temps : la jeune fille séquestrée par son barbon de tuteur, le jeune premier qui élabore des stratégies de conquête, le valet à la Scapin qui embobine tout le monde. Mais les choeurs Unikanti, d’une présence joyeuse et enlevée, jouent un rôle fondamental et les lumières de Joël Adam, qui cisèlent les contrastes du clair obscur, sont parfaites. Il faut dire que Jérémie Rhorer a choisi de monter l’opéra dans son intégralité, nous faisant écouter tous les récitatifs qui sont superbement interprétés et donnent du sens à l’histoire. Sur les instruments d’époque, l’orchestre déploie tous ses atouts, dirigé avec une intelligence subtile du tempo et des lignes musicales. Un Barbier poétique et sobre, une musique céleste.
Hélène Kuttner
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